Entre patience et combativité
- Louise LIECHTMANEGER
- 12 nov.
- 3 min de lecture
Contraints de faire escale aux Açores pour réparer une avarie structurelle, Pep Costa et Pablo Santurde del Arco ont repris la mer après dix heures d’arrêt express. Leur Class40 VSF Sports remis d’aplomb, les deux Espagnols poursuivent désormais leur chemin vers la Martinique par le nord, l’option engagée après le passage du cap Finisterre. Longtemps prometteuse, cette trajectoire devient de plus en plus exigeante : le vent se fait rare, les transitions s’enchaînent, tandis que les concurrents du sud profitent d’alizés plus ou moins établis. Pour les deux marins, la Transat Café L’Or Le Havre Normandie prend une autre tournure, plus longue, plus incertaine, mais surtout plus « intérieure », où endurance, lucidité et force mentale prennent le relais de la stratégie pure.

©G.Lebec / VSF Sports
Une parenthèse technique vite refermée
Le mercredi 5 novembre dernier, alors qu’ils progressaient dans des conditions de vents particulièrement violents, Pep et Pablo ont constaté une faiblesse au niveau d’un élément structurel de la coque, mis à rude épreuve par la mer très creuse. Plutôt que de risquer d’aggraver la situation, ils ont choisi la voie de la prudence : une courte escale dans l’archipel portugais pour remettre le bateau en parfait état.
Après dix heures de travail non-stop, VSF Sports reprenait sa route, consolidé et prêt à affronter la suite de l’Atlantique. « On a eu la chance de pouvoir réparer proprement, et c’est un vrai soulagement », confie Pep. « Mais entre la casse, le pit-stop et le redémarrage, le temps perdu pèse forcément sur la suite. »
Pour autant, le ton reste combatif. « On s’est promis qu’on se battrait jusqu’au bout, mètre après mètre, jusqu’à Fort-de-France. Ce n’est pas simple, mais on ne lâche rien. »
Tenir bon
Engagés sur la voie nord depuis peu après le passage du cap Finisterre, les deux hommes n’ont plus la possibilité d’en changer. Ils doivent désormais composer avec les caprices de cette option : un Atlantique hésitant, où les zones de calmes succèdent aux brises légères.
« Les conditions sont super délicates », raconte le skipper. « C’est sûr qu’on n’avait pas prévu de prendre du retard de cette manière. L’arrêt technique nous a forcément coûté du temps, et depuis, la situation météo a encore évolué, rendant la route que l’on suit plus compliquée. Quand on est partis de Santa Maria, on avait un routage de dix à onze jours… et on en a encore dix aujourd’hui ! C’est très frustrant. »
Malgré tout, les deux marins gardent la tête froide. « On s’adapte, on essaie de faire au mieux avec les cartes du moment. Les estimations d’arrivée ne cessent de reculer, ce n’est pas simple, mais on reste concentrés. » Pas de résignation à bord, mais une volonté claire : transformer la contrainte en apprentissage.
Une traversée qui s’allonge, mais précieuse
Pour les Class40, cette Transat Café L’Or s’étire bien au-delà des prévisions. Les ETA reculent, la fatigue s’installe et la patience devient une alliée précieuse. Pep et Pablo, eux, avancent sereinement malgré ce temps qui s’allonge.
« C’est parfois long pour la tête, c’est sûr, mais on garde l’envie. On se le répète chaque jour : avancer, apprendre, progresser, quoi qu’il arrive », confie Pep. Contrairement à certains concurrents, ils n’ont pas à se rationner : leur gestion à bord leur permet d’envisager sereinement la fin de parcours. La navigation se fait moins stratégique, plus instinctive. Les deux Espagnols ajustent sans relâche, observant un océan qu’ils apprennent à apprivoiser autrement. Chaque mille compte, autant pour l’épreuve que pour l’expérience qu’ils en retirent.
Apprendre à durer
La compétition a changé de visage, mais pas d’intensité.
« La course s’écrit autrement désormais, mais on s’applique au mieux possible, encore et encore », souligne le navigateur. À bord de VSF Sports, la dynamique a évolué, mais pas leur combativité. Pep et Pablo continuent de manoeuvrer sans cesse, déterminés à grappiller des places, à maintenir le rythme et à préserver leur monture jusqu’au bout. " À nous de composer avec ce qu’on a, et de mener notre beau VSF Sports jusqu’en Martinique. Chaque mille parcouru vient nourrir notre aventure. » Comme dans un marathon dont la ligne d’arrivée se déplace, les deux marins avancent avec constance, transformant chaque difficulté en ressource. « On ne peut pas y changer grand-chose, alors on s’adapte, on fait au mieux avec ce qu’on a. La suite dira le reste », conclut Pep Costa.
Une phrase simple, à l’image de leur traversée : lucide, déterminée, tournée vers l’avant.





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